TRAIN FANTOME Pierrelatte et Montélimar

23 août 2025

Cérémonies dite DU TRAIN FANTOME

                                 

Deux cérémonies ont lieu, une à Pierrelatte et une à Montélimar lieux ou le train s’est arrêté.

A PIERRELATTE   le 23 aout 2025

Cette cérémonie a  lieu tous les deux ans devant la gare de Pierrelatte où une plaque commémore ce triste  évènement.

               

                  Plaque commémoration                                                 Reproduction du drame

 

  Notre ami MOISSON n’a pu assister a cette cérémonie il a été remplacé par Melle Laura VIOT, en préparation marine à Valence, qui a retracé l’histoire de ce tragique évènement.   

                                             

                     Le 19 aout 1944    un drame s’est déroulé en gare de Pierrelatte.

Un train militaire allemand en direction des camps d’extermination, transportait des déportés en provenance de Toulouse. En effet dès la fin du mois de juin 1944, tous les prisonniers politiques du Sud-Ouest de la France avaient été regroupés pour embarquer dans l’un des derniers convois partant Outre-Rhin.

 Le 19 août il arrive en gare de Pierrelatte, mais  croyant qu’il s’agit d’un train de troupes allemandes, les anglais  le mitraillent sans savoir que dans le train il y a 700 hommes et femmes entassés dans les wagons, provoquant de nombreux morts  et blessés.

L’un d’entre eux, Raphael JIMENA, retrouvé inanimé et pris pour mort par les Allemands  a dû son salut grâce à l’intervention du docteur Gustave Jaume (qui fut maire de Pierrelatte) et de son épouse. Ce blessé, à qui ils prodiguèrent les premiers soins, fut caché, transporté à l’hôpital de Valréas et finalement sauvé. Le convoi repartit en direction de Montélimar pour s’y arrêter et remettre entre les mains de la Croix Rouge les blessés ainsi que les morts aux autorités civiles.

Ce voyage d’horreur a duré deux mois, puisqu’il arriva à Dachau le 28 août 1944.

 

Jean Pierre PLANE, 1er adjoint au maire de Pierrelatte, nous a lu un émouvant écrit de VICENTE  médecin et passager du train.

J’ai choisi de vous lire un extrait du  témoignage de Vicente,  Docteur espagnol, réfugié en France et passager du train fantôme. Vicente a écrit ce témoignage qui concerne le samedi 19 août 1944 au matin en gare de Pierrelatte.

3 Juillet 1944, 750 prisonniers partent de Toulouse à bord de wagons surpeuplés. Ils arriveront deux mois plus tard à Dachau, le 28 août 1944. Ils s’appellent Henri, Willy, Alice, Vicente, Erwin, Etienne, passagers du train fantôme ; Ils ont vécu  la chaleur insoutenable, l’impuissance, la cruauté des hommes, la mort et ils racontent.

« Lorsque le corps est mort, l’âme se met à parler et les souvenirs voyagent »

Voici ce que Vicente  écrit :

« Dans le wagon l’atmosphère est pesante. Nous sommes entassés les uns sur les autres. Nous avons chaud et une odeur nauséabonde amplifie cette sensation d’oppression. Maintenant j’essaie de penser à autre chose, je sombre dans mes pensées.

Je repense à mon parcours. J’étais médecin en Espagne dans ma ville natale à Madrid ; je menais une vie calme avec mes enfants et un emploi  stable, une vie simple et agréable ».

Vicente  explique sa fuite périlleuse de l’Espagne franquiste et son exil en France pensant y trouver paix et liberté. Ce ne fut pas le cas, séparé de sa famille il fut interné dans un camp avec pour l’obsession d’en sortir et retrouver sa femme et ses enfants.

Rappelé à la réalité, Vicente poursuit son témoignage :

« Un relent nauséabond de l’odeur ambiante du wagon arrive à mes narines et la sensation affreuse d’oppression me reprend.

Cet été 1944 est un véritable cauchemar pour moi et tous ceux qui sont à mes côtés dans le troisième wagon du train. Je suis assis dans le coin le plus éloigné du groupe, ma tête coincée entre les jambes me concentrant sur ma respiration.

J’entends à peine les souffrances des personnes âgées qui gémissent afin de soulager leur douleur. En vain. Je peux voir leur silhouette maigre et fragile se tortiller à travers la pénombre, évitant le moindre contact avec leurs camarades  se repliant sur eux-mêmes, comme cherchant un refuge dans cette tragédie. A ma droite, un jeune homme craintif est plongé dans un silence absolu. Il est vêtu d’un maillot blanc et d’un pantalon noir déchiré, ce qui me permet d’apercevoir des blessures.

Tout à coup, on entend des avions qui se rapprochent, ils volent très bas. Ils vont nous bombarder !

Un homme hurle «  Des Américains ! Ce sont des Américains, vite sortons un fanion blanc par la fenêtre pour qu’ils nous reconnaissent ! » Je me jette sur ce jeune homme craintif et le somme de quitter son tricot pour le passer par la fenêtre.

Les Américains comprennent que nous sommes des prisonniers et s’en vont. Les « Boches » comme disent les Français, décident d’arrêter le train et entrouvrent les portes. La lumière m’éblouit et je peux découvrir l’horreur de la scène. Des corps gisants sur le sol, d’autres hurlant de douleur.

Un homme arrive en courant, je m’approche de lui et lui demande : - «  Vous êtes médecin ?- «  Oui, je suis Gustave Jaume ».

Nous arrivons à convaincre les soldats allemands de pouvoir soigner les blessés. Les bombardements semblaient avoir traumatisé les Allemands qui se tenaient éloignés du train.

J’appelle mon ami belge Willy, médecin lui aussi. Les blessés ont été sortis des wagons. C’est un carnage, les blessures sont très graves et nous ne pouvons pas faire grand-chose. L’un des blessés m’implore du regard. Quand je me rapproche de lui, je peux apercevoir trois grosses plaies à cause du bombardement.

Sa main gauche et sa jambe droite étaient condamnées. Le Docteur Jaume insiste pour garder les blessés. L’Officier allemand est intraitable. L’ordre est donné de les remonter dans le train.

J’ai l’impression qu’il manque mon compagnon Raphaël  JJIMENA. J’espère vraiment qu’il ne soit que blessé et qu’il sera sauvé par ce bon Docteur Jaume.

Le docteur Jaume me fait comprendre très discrètement que je peux rester avec lui et ne pas repartir, me faire passer pour un Pierrelattin. J’avoue que sa proposition me tente énormément. Je continue d’aider les blessés tout en réfléchissant à la proposition du médecin. En aidant le dernier blessé à monter dans le train, je comprends qu’ils ont besoin de moi. A ce moment-là, je me dis que si moi j’étais à leur place, j’aimerais que l’on me vienne en aide. Mon sens du devoir prend le dessus, et la  peine que j’ai pour ces gens-là est plus forte que tout. Malgré la folle envie que j’ai de m’évader, mon cœur me dit de rester auprès d’eux, pour continuer à les soigner. C’est l’une des pires décisions que j’ai eu à prendre. D’un côté ma liberté, d’un autre, mes camarades ayant besoin de moi. Je prends une grande inspiration, et dis au Docteur Jaume « Merci, mais je reste ».

Je jette un dernier regard sur la Gare. Un silence assourdissant s’est installé et c’est presque insoutenable.

Il remonte dans le wagon et ressasse ses souvenirs et la dernière ligne du témoignage de Vicente est :

Notre convoi, après être resté de longues heures en plein soleil en gare de Pierrelatte, repart.

Vicente mourut en déportation.

                                                                                                            

Puis ce fut l’écoute du champ des partisans et les dépôts de gerbes, par le Souvenir Français, puis celle de la mairie de Pierrelatte enfin celle du conseil départemental par monsieur Fabien LIMONTA.

                                     

La cérémonie s’est terminée par LA MARSEILLAISE.

La Légion d’honneur était représentée par le lieutenant-colonel Xavier MASSON REGNAULT président du comité de la Drome Provençale accompagné de Jean POUPIN porte drapeau et Jacky FRA, du lieutenant-colonel Marcel SIRDEY  et du lieutenant-colonel LOTH de Saint Restitut.

 

A MONTELIMAR  le 28 aout 2025

                                    

Cette cérémonie était jumelée avec celle de la libération de Montélimar

                                           

C’est notre amie Mme Annie PEZ qui a pris la parole devant le parvis de la gare de Montélimar pour rappeler ce triste évènement.

Depuis 49 ans la ville de Montélimar tient à associer la célébration de sa libération à l’arrêt en gare du Train fantôme, le 19 août 1944.

La matérialisation de cette journée du 19 août  revenait aux comités locaux de l’Association Nationale des  Anciens Combattants de la Résistance et de la Fédération Nationale des Déportés, Résistants et Patriotes.

La pérennité de la mémoire étant le souci premier des deux associations initiatrices de  cette commémoration, je tiens à souligner  le réconfort capital apporté par la présence active de l’Amicale du Train Fantôme, sa force de conviction appuyée sur la recherche historique, avec la présence régulière de ses membres. Madame Silve et Madame Teyssier  qui devaient nous honorer de leur présence aujourd’hui, ont été empêchées par un violent orage.

Après le premier regroupement de Déportés à  Bordeaux, le 30 juin 1944, le convoi a véritablement entamé son sinistre parcours à partir de Toulouse le 9 août de la même année. Il s’agissait, pour les nazis, de rassembler le plus grand nombre de prisonniers incarcérés dans le sud-ouest avec pour destination 2 camps de concentration. Au départ on comptait 700 détenus de 22 nationalités dont une soixantaine de femmes à destination de Dachau (ils y parviendront le 28 août puis  un autre train transfèrera les femmes à  Ravensbrück,  le 1er septembre.)

Enfermés jusqu’à 80 dans des wagons à bestiaux, recroquevillés sur un peu de paille dans une chaleur suffocante, les ouvertures étant oblitérées par des planches clouées, ils ne survivent aux arrêts que grâce aux gestes de la Croix Rouge , connaissant les pires privations, celle de la soif en particulier dans un état de saleté , de manque d’hygiène indescriptible.

Après trois semaines de parcours, de transbordements forcés comme à Roquemaure où le pont ayant été détruit, les Déportés, sous la garde de S.S. armés se voient contraints à une marche de 17 kms pour rejoindre Sorgues.

Ils y seront ravitaillés par les habitants et  les cheminots grâce à leur audace favoriseront l’évasion des plus téméraires.

Quelque 9 jours après son départ, le train est mitraillé sur toute sa longueur par l’aviation alliée , ignorante de la nature du convoi , c’est le Capitaine Paris, chef du premier bataillon F.T.P. qui s’en inquiète, apercevant un semblant de drapeau bleu , blanc, rouge , réalisé avec des chiffons par les déportés .

En gare de Pierrelatte le train s’arrête afin d’y laisser les morts. Effroyable vision !

Les S.S. refusent de laisser les blessés malgré tous les efforts du Docteur Jaume qui peut tout au plus prévenir, par téléphone, Madame Valette-Viallard, Présidente de la Croix Rouge de Montélimar, de la situation tragique du convoi.

Du train parvenu en gare de Montélimar le 19 août, les nazis, tendus et agressifs, ordonnent à Madame Valette-Viallard de faire enlever les morts n’ayant pas survécu à leurs blessures depuis Pierrelatte.

C’est alors que le courage, la détermination de cette grande dame va faire vaciller la volonté de l’ennemi, avec un échange verbal mémorable : « Je veux bien prendre les morts, mais je veux aussi les blessés »

Non les morts  seulement et c’est un ordre »

Elle réplique, le révolver sur la tempe : «  alors, je refuse »

Les morts sont néanmoins alignés sur le quai, les blessés étant à leur tour descendus ; le chef S.S. hésite alors, puis voulant sauver la face, ajoute à l’adresse de Mme Vallette-Viallard : « vous en êtes responsable quand ils seront guéris je reviendrai les prendre. »

Les morts de quatre nationalités différentes (Tchèques, Suisses, Polonais, Français) seront enterrés au cimetière militaire, dans des cercueils couverts du drapeau tricolore. Quant aux blessés, celle qui les avait sauvés, faisant courir le bruit d’une atteinte de typhus, ils ne seront jamais récupérés

Cette plaque du Train Fantôme devant laquelle nous nous réunissons avec ses noms gravés, symbole d’un enfer vécu par le fanatisme  d’une idéologie niant la dignité, l’égalité entre les êtres humains, demeurera à jamais une terrible leçon qu’il est capital de raconter encore et toujours en ce 28 août, célébrant la Libération de Montélimar.

Face à l’ignominie, aboutissant à tant de crimes contre l’humanité, des femmes et des hommes se sont soulevés pour dire non à l’inacceptable.

Souvenons-nous et aujourd’hui mettons tout en œuvre pour faire  reculer la barbarie et ramener la paix dans le monde.

 

Notre comité était représenté par Mmes Annie PEZ, Christiane DELPHIN POULAT, Monique MARTINEU, le vice-amiral d’escadre Éric SCHERER, le général Alain ROCHE et Yannis LAMBERTON  porte-drapeaux.

 

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